Les marchés n’aiment pas les volte-face

L’État du marché
10 mars 2025

Les marchés n’aiment pas les volte-face


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Ça devient exaspérant. Des tarifs sont imposés, reportés, réimposés, réduits pour les automobiles et les produits agricoles, et reportés encore. Nous compatissons avec les employés des sociétés des alcools qui doivent retirer les bouteilles de bourbon des tablettes et les y remettre aussitôt. Le marché semble aussi exaspéré ou exprime à tout le moins son ras-le-bol. Les fluctuations quotidiennes ont considérablement augmenté à en juger par le nombre de jours de gains et de reculs de 1 % ces dernières semaines. Ce qui est plus inquiétant, c’est que la réaction du marché semble changer. Au début de ce déluge de nouvelles sur la politique tarifaire, les nouveaux tarifs avaient un effet négatif sur les marchés, alors que les reports avaient un effet positif. Or, la suspension d’un mois des tarifs visant le Canada et le Mexique annoncé le 6 mars n’a provoqué aucun rebond sur des marchés survendus. Face à l’incertitude sur les tarifs, les reports ne semblent plus satisfaire le marché.

Fluctuations quotidiennes provoquées par les annonces sur la politique tarifaire

Les marchés se sont montrés plutôt patients face à cette volte-face politique durant le premier mois et demi de 2025. Ce n’est plus le cas. Ces tergiversations empêchent les entreprises de prendre des décisions. Et comme on l’a souvent répété, les marchés ont horreur de l’incertitude encore plus que des mauvaises nouvelles, parce que contrairement à l’incertitude, les mauvaises nouvelles peuvent être escomptées assez rapidement. Malheureusement, l’incertitude est la seule chose qui ne change pas en ce moment.

Voici un calendrier des dates où les principaux tarifs ont été annoncés et reportés (suivez les lignes pointillées qui relient les cercles de couleur, si vous le pouvez). Comme on pouvait s’y attendre, ces conditions ont fait grimper l’indice d’incertitude à l’égard de la politique commerciale américaine à ses niveaux les plus élevés depuis le conflit commercial entre la Chine et les États-Unis en 2019. Cet indice repose sur l’analyse du contenu des journaux. Nous n’avons pas reproduit le graphique de l’indice, qui montre essentiellement une ligne en forte progression!

Tarifs passés et prévus, de janvier à avril 2025

L’incertitude a aussi commencé à peser sur l’humeur des investisseurs. L’association américaine qui représente les petits investisseurs publie un sondage hebdomadaire depuis plus de 30 ans. Elle demande à un échantillon d’investisseurs s’ils pensent que le marché va monter, rester stable ou baisser au cours des six prochains mois. Les résultats du sondage du 27 février sont renversants : 19 % d’optimistes, contre 61 % de pessimistes. La dernière fois que le pourcentage de pessimistes avait dépassé 60 %, c’était en septembre 2022, alors que le S&P 500 était en baisse de 23 % par rapport à son sommet. Le résultat de février a été compilé alors que le S&P 500 était en recul de 3 %. Le sondage de la semaine dernière a donné à peu près les mêmes résultats, soit 19 % d’optimistes et 57 % de pessimistes, alors que le S&P 500 affichait des pertes d’environ 7 % par rapport à son sommet. 

Le graphique ci-dessous compare l’écart entre le pourcentage d’optimistes et de pessimistes à l’indice S&P 500. Règle générale, lorsque l’écart entre les optimistes et les pessimistes (perception neutre) est inférieur à -20, c’est le temps d’acheter. Dans le passé, cet indice a été un indicateur à contre-courant de la direction du marché. Mais comme tous les indicateurs, parfois ils ont raison et parfois ils ont tort. Au début du marché baissier du S&P 500 en 2022, après que la perception neutre eut atteint la marque de -20, le S&P 500 devait encore baisser de 18 %. Bien que ce signal d’achat potentiel soit assez intrigant, une baisse de 7 % du S&P500 est-elle suffisante?

La confiance des investisseurs est très faible : 19 % d'optimistes, contre 57 % de pessimistes

La prochaine vague de tarifs est attendue au début du mois d’avril. Outre le fait que le report d’un mois des tarifs infligés au Canada et au Mexique arrive à peu près à ce moment, les rapports sur les échanges commerciaux devraient aussi paraître. Ce sont une vingtaine de rapports sur le commerce émanant de sources et de secteurs divers qui vont atterrir sur le bureau du président et certainement le pousser à annoncer d’autres tarifs. 

Les données sur la confiance sont plus pessimistes que durant la pandémie, le S&P se négociant tout juste au-dessous de sa moyenne mobile à 200 jours avec un indicateur de suivi RSI à 32. Cela pourrait justifier quelques achats. Après tout, si vous attendez les bonnes nouvelles, le marché aura déjà bougé sans vous. Nous préférons toutefois attendre un peu, estimant qu’un recul de 7 % n’est pas suffisant compte tenu du haut degré d’incertitude.

Nous pensons aussi que les craintes à l’égard de la croissance économique au cours des prochains mois pourraient créer de meilleures occasions. Un important volume d’activité économique semble avoir été accéléré en prévision des tarifs. Nous pourrons aussi mesurer l’impact sur l’emploi des efforts du département de l’efficacité gouvernementale le mois prochain. À cela, il faut ajouter l’incertitude générale qui complique les décisions d’embauche, d’expansion et de fusion et acquisition des entreprises. Nous y reviendrons dans un prochain numéro de L’État du marché.

La situation risque de se corser pour les marchés en 2025, compte tenu de l’actualité qui pourrait causer d’importantes fluctuations dans un sens comme dans l’autre (du moins, on l’espère). Les Eagles ont remporté le Superbowl en opposant une solide défensive à une offensive très puissante, et on peut s’attendre à la même chose sur les marchés, c’est-à-dire une année sous le signe de la défensive et de l’opportunisme.

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