Se connaître soi-même

L’État du marché
21 juillet 2025

Se connaître soi-même


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Le mot « ethos » désigne le sentiment sous-jacent qui façonne les croyances d’un groupe ou d’une société – ce qui ressemble beaucoup à ce qu’on voit sur les marchés, selon notre interprétation. Au niveau de l’individu, cela correspond au caractère ou au tempérament. (Dans cette publication, nous nous intéressons davantage à votre caractère en tant qu’investisseur; pas de questions embarrassantes sur votre enfance ou sur votre relation avec votre mère.)

Cette année, et au cours des cinq dernières, les marchés ont très bien fait, mais ce ne fut pas de tout repos. Avec le recul, on comprend toutefois que c’est durant ces périodes de turbulence des marchés qu’on apprend à mieux se connaître en tant qu’investisseur.

Au cours des 12 derniers mois seulement, l’indice S&P 500 a subi une correction de 10 % l’été dernier, principalement attribuable au dénouement partiel des opérations de portage sur le yen et à la faiblesse des données économiques. Après avoir mis cinq semaines à se redresser, les marchés ont fait du surplace jusqu’à l’élection américaine, puis ils ont progressé graduellement pendant quelques mois jusqu’en février. Les tarifs douaniers ont ensuite été annoncés, après quoi les marchés ont rebondi pour atteindre de nouveaux sommets.

Il n’y a pas que les marchés qui ont été très volatils, les nouvelles macroéconomiques aussi. La succession d’événements et les réactions subséquentes du marché ont été un bon test pour apprendre à se connaître en tant qu’investisseur (ou dans le cas des conseillers, pour mieux comprendre les comportements de ses clients).

Les marchés actuels peuvent nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes

Quel était votre niveau d’anxiété durant les baisses du marché, en particulier l’épisode causé par les tarifs douaniers? Vouliez-vous réduire le risque (vendre), profiter de la faiblesse du marché (acheter) ou simplement essayer de faire fi des manchettes et des fluctuations de la valeur marchande de votre portefeuille? Et durant les hausses du marché? Vous sentiez-vous encouragé et vouliez-vous investir plus – autrement dit, est-ce que la cupidité l’emportait sur la peur? Voir les marchés remonter à des sommets aide à oublier, mais il vaut la peine d’avoir une réflexion honnête sur vos émotions au cours des dernières fluctuations pour mieux comprendre vos inclinations, qu’elles mènent ou non à des actions.

Même si l’expérience de chacun est différente, dans l’ensemble, les données témoignent de mauvaises décisions. Le graphique ci-dessous présente la moyenne mobile sur 4 ans des flux d’actifs des fonds et des FNB d’actions. Dans la dernière année, globalement, on observe clairement des comportements destructeurs pour le patrimoine. La vaste majorité des actifs ont été investis à la fin de 2024, lorsque l’indice S&P 500 se situait à environ 6 000 points, tandis que la plupart des sorties de fonds se sont produites à un niveau inférieur à 6 000 points.

La synchronisation des flux d’actif des actions n’a pas été idéale au cours de la dernière année

De toute évidence, les achats sur les marchés boursiers ont globalement augmenté au pire du délestage d’avril, mais cela semble être l’exception et non la règle. Globalement, les achats pondérés en dollars ont eu lieu lorsque le S&P 500 était à 5 820 points, et les ventes pondérées en dollars, lorsqu’il était à 5 737 points, autrement dit on a acheté au plus haut et vendu au plus bas.

On pourrait penser que comme le S&P 500 est maintenant à 6 300 points, acheter quand il était à 5 820 n’était pas si mal. C’est vrai, une hausse du marché boursier peut vraiment aider à masquer les mauvaises décisions. En réalité, le niveau moyen du S&P 500 pour cette période était de 5 793 points, ce qui représente un meilleur point d’entrée pour une approche systématique.

Comprendre ses biais comportementaux

Les fluctuations du marché permettent de mieux vous connaître, de savoir quel type d’investisseur vous êtes et de faire des efforts pour contrôler ou réduire le risque de faire une erreur. Nos conversations avec les investisseurs et les conseillers ont permis de relever un certain nombre de biais importants qui semblaient fréquents à certaines périodes au cours de la dernière année.

Tout le monde aime les bonnes nouvelles, être optimiste et faire de l’argent. Le syndrome de l’autruche se manifeste lorsque les investisseurs accordent plus d’importance aux bonnes nouvelles et minimisent les mauvaises nouvelles ou choisissent de ne pas en tenir compte (le verre à moitié plein). Cela paraissait évident en juillet 2024, alors que les données économiques faiblissaient et que les marchés ne semblaient pas s’en soucier. À notre avis, cela s’est clairement produit en janvier et février, lorsque les marchés ont fait fi de la menace liée à la politique commerciale. Et c’est peut-être le cas maintenant, alors que le ralentissement de l’économie et des bénéfices ne modère certainement pas l’optimisme du marché.

Ce syndrome détourne notre attention des mauvaises nouvelles, un peu comme un mécanisme de défense. Les investisseurs plus vulnérables à cette distorsion sont ceux qui sont restés longtemps accrochés à une vision, à une opinion ou à une position.

Stratégies pour contrer le syndrome de l’autruche :

  1. Intéressez-vous activement aux opinions négatives ou contraires. Cela peut aider à ouvrir votre esprit à d’autres scénarios
  2. Obtenez un deuxième avis. D’autres spécialistes du domaine ne sont pas nécessairement aussi ancrés dans votre vision ou votre opinion, ce qui favorise une approche plus équilibrée, qui tient compte des pour et des contre.
  3. L’analyse pré-mortem d’une opinion existante peut vraiment aider à cerner les risques éventuels. Et si jamais des preuves contraires apparaissent, vous serez en meilleure position pour les évaluer et en tenir compte dans votre analyse globale.

Ce biais, qui est devenu l’un des principaux biais des investisseurs, amène les gens à retenir la raison la plus pratique pour justifier un événement, en établissant souvent un lien de causalité linéaire. Comme les nouvelles macroéconomiques sont particulièrement fracassantes en ce moment, il est très facile d’établir un lien entre les manchettes et les marchés.

Malheureusement, comme les marchés sont très dynamiques et sont influencés par de nombreux facteurs, on ne peut presque jamais établir un simple lien de cause à effet. Si vous succombez à ce biais, vous courez le risque de ne pas tenir compte d’autres facteurs moins médiatisés.

Stratégies pour contrer le biais de disponibilité :

  1. Arrêtez de regarder les nouvelles (je plaisante). Les médias cherchent souvent à diffuser des images ou de l’information frappantes pour garder l’attention de leur auditoire, et les nouvelles moins marquantes sont souvent occultées.
  2. Déterminez les sources de vos informations en matière de placement et essayez de les diversifier.

Nous restons souvent accrochés au montant que nous avons payé pour un placement ou au fait qu’il se négociait à un certain niveau. Ce point d’ancrage peut influencer indûment nos décisions subséquentes. C’est le cas même si ce point d’ancrage n’est plus approprié compte tenu de la conjoncture du marché ou qu’il était inapproprié dès le départ.

En ce moment, de nombreux investisseurs restent accrochés aux creux d’avril et se disent, « comment pourrais-je acheter maintenant considérant le prix auquel ce même titre se négociait il y a quelques mois? » Le TSX était autour de 23 000 points, alors qu’il est à plus de 27 000 aujourd’hui. Cependant, les creux d’avril étaient peut-être eux-mêmes inappropriés parce qu’ils étaient exacerbés par l’escalade tarifaire abrupte. La situation aujourd’hui est très différente : le risque tarifaire n’a pas disparu, mais il est loin d’être aussi important qu’en avril.

Stratégies pour contrer le biais d’ancrage :

  1. Faites abstraction de tous les coûts initiaux lorsque vous examinez un portefeuille. La décision d’acheter, de conserver ou de vendre un titre ou un fonds devrait s’appuyer sur les perspectives futures par rapport au prix courant. On peut tenir compte du coût pour des raisons fiscales, mais cela devrait être une considération secondaire
  2. Lorsque vous faites vos recherches, évitez les prévisions chiffrées, en particulier au début du processus, puisque cela peut avoir un impact sur la façon dont les autres informations seront absorbées.
  3. Associez les conditions du marché ou les nouvelles sur la société à un certain niveau de prix. En cas de changement drastique dans ces conditions ou ces nouvelles, le prix de référence ne devrait plus s’appliquer et vous devriez l’oublier.

La peur de rater une occasion n’est pas une distorsion comportementale comme telle, mais plutôt le résultat d’un ensemble de distorsions : aversion aux pertes, mimétisme et préférence pour le statu quo. Sans surprise, son effet se fait sentir sur les investisseurs lorsque les marchés ou certains secteurs deviennent très volatils.

Cela semble évident aujourd’hui sur le marché en général, alors que les flux des FNB ou des fonds d’actions commencent à devenir positifs, même après une si bonne performance. La peur de rater une occasion est également courante dans les sous-catégories, comme les cryptomonnaies et l’IA.

Stratégies pour contrer la peur de rater une occasion :

  1. Soyez plus systématique. La peur de rater une occasion est souvent causée par une inaction attribuable à la peur ou à des regrets. Une approche plus systématique où les émotions interfèrent moins peut certainement aider.
  2. Avancez à petits pas. Nous voudrions tous acheter au plus bas et vendre au plus haut. Comme ce n’est pas réaliste, y aller progressivement peut permettre d’effectuer un plus grand nombre de ventes lorsque les prix sont élevés et un plus grand nombre d’achats lorsqu’ils sont bas. Cela permet aussi de diversifier le risque temporel lorsque les marchés sont volatils.
  3. Ayez un plan à long terme. Il y a beaucoup d’avantages à penser à long terme sans trop s’en faire avec la volatilité du marché à court terme.

Conclusion

Prenez du temps pour réfléchir. Si vous arrivez à mieux comprendre vos émotions et vos biais comportementaux, vous serez mieux en mesure d’éviter les mauvaises décisions lorsque ces biais referont surface. Si vous pensez que vous risquez de capituler en période de faiblesse du marché, adoptez une position plus défensive ou faites appel à un professionnel. Si vous recherchez le rendement, il est essentiel de maintenir une bonne diversification; intégrer une stratégie de réduction du risque et une approche plus systématique peut aider grandement.

Réfléchissez à vos comportements et à vos émotions en tant qu’investisseur au cours des dernières années. Comprendre et analyser objectivement ses tendances personnelles peut vraiment faciliter la prise de décision durant les périodes de volatilité du marché. Et cela peut permettre d’éviter ou de limiter les comportements qui nuisent au rendement.

Se connaître soi-même est le début de toute sagesse.

Socrates

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