Aurions-nous trop abusé des bonnes choses?


L’État du marché
12 février 2024.

Au cours du dernier mois ou à peu près, les données économiques aux États-Unis se sont redressées de belle façon : solide croissance de 3,1 % du PIB au quatrième trimestre, création de plus de 300 000 emplois deux mois de suite et accélération de l’activité manufacturière. Où est donc cette récession dont tout le monde parle depuis un an ou même plus? À peu près partout, sauf aux États-Unis. Même s’il ne s’agit peut-être pas d’une véritable récession, la faiblesse est manifeste. Les derniers chiffres du PIB sont négatifs au Royaume-Uni, au Canada, en Allemagne et au Japon, et deux membres seulement du G7 affichent une croissance économique positive.

Les dernières données trimestrielles sur la croissance du PIB montrent une nette divergence entre les différentes économies

Une bonne partie de cette divergence peut s’expliquer par deux facteurs : les taux d’intérêt et le commerce mondial. Les pays qui sont plus sensibles aux taux et au commerce mondial sont les plus malmenés, alors que ceux qui y sont moins exposés s’en tirent mieux.

Comme nous le savons tous, les taux ont considérablement augmenté au cours des deux dernières années, mais tous les secteurs de l’économie ne sont pas touchés de la même façon. Par conséquent, selon le type d’activité économique qui caractérise un pays, les changements dans les taux ont plus ou moins d’impact. Les États-Unis, par exemple, sont moins sensibles aux taux en raison de la structure de leur marché hypothécaire. Compte tenu de la prépondérance des prêts hypothécaires à taux fixe de 30 ans, les variations dans les taux n’ont pas de répercussions aussi grandes sur les paiements hypothécaires des consommateurs. On estime que les prêts hypothécaires à taux variable aux États-Unis représentent moins de 10 % du total, contre 30 % au Canada. De plus, les prêts hypothécaires à taux fixe au Canada ont une durée maximale de cinq ans, ce qui signifie que le rajustement à la hausse des paiements se fait de plus en plus sentir à mesure que les prêts hypothécaires sont renouvelés.

GDP = C + I + G + (X -M)

C = dépenses de consommation
I = investissements

G = dépenses gouvernementales
X-M = exportations moins importations (commerce)

Le poids de chacun des éléments varie d’un pays à l’autre. Par exemple, les dépenses de consommation sont de loin le principal moteur de l’économie américaine, alors que la contribution du commerce est relativement faible. Par comparaison, la part du commerce dans les économies allemande et japonaise est beaucoup plus importante. Et c’est la même chose au Canada.

Reste maintenant à savoir si le caractère exceptionnel de l’économie américaine sera suffisamment durable pour que la tendance économique négative ailleurs dans le monde ait le temps de se résorber. Car même si une économie est moins sensible aux taux élevés ou au ralentissement du commerce mondial, elle en subit quand même les effets. Sur le front du commerce mondial, il y a quelques nouvelles encourageantes. Bien qu’il soit encore tôt, les données des enquêtes auprès des directeurs d’achat, qui servent d’indicateur de l’activité manufacturière, ont commencé à s’améliorer. Ainsi, l’indice PMI de la moitié des 16 principaux pays manufacturiers dépassait 50 en janvier.

Même si ces résultats sont encourageants, nos perspectives pour le secteur manufacturier restent modérées. L’activité manufacturière a explosé durant la pandémie, alors que nous étions tous avides de nouveaux biens. Puis, lorsque la pandémie s’est résorbée, les consommateurs sont revenus à des habitudes de dépenses plus normales. Par conséquent, la poussée de 2021-2022 a été suivie d’une diminution des dépenses en 2023. La croissance des dépenses mondiales semble effectivement ralentir, ce qui est sans doute une conséquence des taux plus élevés.

L'activité manufacturière semble s'accélérer

Un résultat supérieur à 50 indique qu'on s'attend à une hausse de
l'activité manufacturière le mois suivant

Ce n’est pas encore fait, mais bientôt les bonnes nouvelles économiques pourraient devenir de mauvaises nouvelles pour les marchés. Ces trois derniers mois, l’ascension phénoménale du S&P 500, qui a inscrit des gains au cours de 14 des 15 dernières semaines, est un exploit qui n’avait pas été observé depuis le début des années 1970. La montée initiale est survenue dans un marché survendu, ragaillardi par les nouveaux signes de ralentissement de l’inflation laissant entrevoir des baisses de taux cette année. L’optimisme à l’égard de l’inflation a fait place à un optimisme à l’égard de la vigueur de l’économie américaine. Malheureusement, une forte croissance économique n’est pas compatible avec des baisses de taux ni avec une diminution accélérée de l’inflation vers la cible magique de 2 %.

Conclusion

L’économie des États-Unis est la plus importante économie du monde, et le marché boursier américain compte actuellement pour environ 70 % de l’indice MSCI Monde. Par conséquent, investir dans un FNB d’actions mondiales pondéré en fonction de la capitalisation boursière, ça équivaut à peu de choses près à investir dans le S&P 500. L’économie américaine pourrait très bien continuer d’échapper au ralentissement de la croissance ailleurs dans le monde, et il est possible que le marché boursier poursuive sa progression, malgré la diminution de la croissance des bénéfices. Toutefois, le retour à la moyenne reste une constante pour les marchés et les économies. Et en ce moment, les deux sont nettement au-dessus de la moyenne.


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