L’État du marché
11 novembre 2024
Un air de déjà vu 2.0
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Résumé : Tout le monde partage du contenu et des réflexions sur les conséquences pour les marchés de quatre autres années sous la présidence de Trump. Et les « Trump trades » (opérations boursières liées aux valeurs de l’univers Trump) se multiplient, comme lors du mandat de 2016. Mais ce n’est probablement pas aussi simple car la situation n’est pas la même en 2024 qu’en 2016. Une chose est sûre, le marché risque d’être plus agité.
C’est parti pour quatre autres années de Trump 2.0. Peu importe votre point de vue ou votre opinion sur le résultat de l’élection, le marché a certainement célébré la victoire de Trump. Il va sans dire que la politique sera de nouveau plus divertissante et en offrira pour tous les goûts : comédie, drame, horreur. Dans cet article, nous discutons brièvement des principales politiques qui pourraient être adoptées, en insistant sur les conséquences possibles sur l’économie et les marchés. Nous terminons avec quelques conseils sur la façon de s’ajuster. Alerte au divulgâcheur : il ne faut rien changer.
Tarifs – Évidemment, d’importants tarifs douaniers pourraient être imposés à la Chine, probablement assez rapidement, et peut-être aussi au reste du monde. Cela devrait avoir des conséquences plutôt inflationnistes, mais on ne sait jamais. La question des tarifs reviendra probablement souvent dans l’actualité. Le monde a commencé à devenir plus protectionniste durant le premier mandat de Trump, et même si Biden n’utilisait pas la même méthode, la tendance au protectionnisme s’est poursuivie.
D’un point de vue économique, les tarifs ne sont pas très efficaces, mais le libre-échange n’est pas parfait non plus. Toutes choses étant égales, les tarifs seraient inflationnistes pour les États-Unis, ils renforceraient le dollar américain par rapport à la plupart des monnaies et ils auraient un effet négatif sur la croissance économique en général. Les effets de l’inflation sont très facilement observables; tout coûterait plus cher et plus de biens pourraient être produits sur le marché intérieur à des coûts probablement plus élevés. Une inflation plus forte exercerait des pressions à la hausse sur les taux à court terme, ce qui favoriserait un peu le dollar américain. Le billet vert s’apprécierait probablement en raison de la faiblesse des monnaies plus tributaires du commerce, comme les monnaies européenne et chinoise. Les conséquences sur la croissance économique sont un peu plus complexes. Toutes les économies pâtiraient, en particulier celles davantage orientées sur le commerce, mais les effets pourraient être moins importants que certains le prévoient. Le commerce mondial est fluide et évolue dans le temps. Par exemple, la Chine représentait auparavant environ 50 % du déficit commercial américain, un chiffre qui a beaucoup diminué. De nombreuses raisons expliquent cette tendance : tarifs imposés antérieurement, risque géopolitique, diversification des chaînes d’approvisionnement. Pendant ce temps, les échanges commerciaux avec le Mexique ont explosé au cours des dix dernières années. En fait, l’incidence des tarifs sur les économies et les marchés pourrait être moins grande que durant le premier mandat de Trump.
Le marché n’aime pas les surprises, et après des décennies de libéralisation du commerce, le renversement de la tendance a été une surprise. Sans dire qu’une série de tarifs n’aura aucun effet, on s’y attendait quand même un peu. Leur ampleur pourrait surprendre, d’une manière ou d’une autre, mais pas leur direction. On ne peut pas tirer de conclusions à partir de quelques jours de données, mais depuis l’élection, le marché boursier chinois et un indice général des marchés émergents ont tous les deux progressé.
Immigration – On pourrait assister à la fermeture de la frontière et à une réduction de l’immigration légale. L’augmentation du bassin de main-d’œuvre avait aidé à réduire l’inflation et à ralentir la croissance des salaires. Toutes choses étant égales, un nombre moins élevé de travailleurs exercera des pressions à la hausse sur les salaires. Les discussions avec le Mexique sur les tarifs et le contrôle de la frontière pourraient s’entrecroiser. Une baisse de l’immigration, qu’elle soit légale ou non, pourrait alimenter l’inflation.
Dépenses budgétaires/dette – Les déficits importants et l’augmentation de la dette étaient inévitables, peu importe les résultats de l’élection. Toutefois, la situation risque d’empirer à la suite du balayage républicain. Habituellement, les déficits augmentent, tout comme les taux, lorsque les trois ordres de gouvernement passent aux mains d’un même parti, rouge ou bleu.
Les taux continueront d’être davantage influencés par les données économiques, mais la prime de terme, soit le taux de rendement supérieur exigé par les investisseurs pour détenir des obligations à long terme, pourrait être à surveiller. Le modèle mental général subdivise la courbe des taux. Les taux à deux ans sont plus influencés par la politique de la banque centrale ou les attentes à l’égard des politiques. Les taux pour les échéances de 5 à 8 ans sont surtout influencés par l’économie et les prévisions économiques. C’est pour les taux à 15, 20 ou même 30 ans que la capacité de payer pourrait être remise en question.
La baisse de confiance dans la capacité financière à long terme d’assumer des déficits et des dettes d’une telle ampleur fait monter les taux. Cependant, les taux et la prime de terme avaient déjà commencé à augmenter au cours des derniers mois. La croissance économique américaine s’est améliorée depuis plusieurs mois et l’inflation a ralenti ou s’est stabilisée.
Que faut-il faire?
Investir dans les petites capitalisations? Se retirer des marchés émergents? Acheter de l’or? Ou de l’or numérique? Nous vous déconseillons fortement de vous fier au premier mandat pour tirer vos conclusions pour le second. Une thèse courante en 2017 et 2018 était que Trump avait un effet positif sur les marchés. Nous avions alors émis de nombreuses mises en garde contre une telle conclusion parce qu’il y avait d’autres facteurs en jeu. Après la récession de 2008 et 2009, on peut voir qu’un certain nombre d’économies ont eu de la difficulté à retrouver le chemin de la croissance. L’Europe est retombée dans une crise de la dette en 2010 et 2011, pendant que les États-Unis et l’Asie progressaient. Ensuite, lorsque l’Europe a commencé à reprendre de la vigueur, l’Asie a faibli. Puis lorsque l’Asie a remonté, l’économie américaine a ralenti. Pendant de nombreuses années, les grandes économies mondiales n’ont jamais progressé en même temps… jusqu’au milieu de 2016.
À notre avis, si les marchés se sont si bien comportés c’est parce que la croissance économique mondiale a enfin été synchronisée, ce qui a coïncidé avec le premier mandat de Trump. Il a probablement eu une influence positive, et un peu négative aussi, mais c’est l’économie qui a été vraiment déterminante. Nous pensons que ce sera également le cas au cours de ce mandat. La politique compte, mais l’économie est plus importante.
Les points de départ sont importants – Nous ne sommes plus en 2016. En 2016, l’indice S&P 500 se négociait à 17 fois les bénéfices prévisionnels et les prévisions de croissance des bénéfices étaient très faibles. Aujourd’hui, le marché se négocie à 22 fois les bénéfices prévisionnels, qui escomptent déjà une croissance des bénéfices de 12 %. Et les taux diffèrent grandement. Le taux des fonds fédéraux de 0,5 % était extrêmement accommodant, l’assouplissement quantitatif était toujours bien présent et les taux à 10 ans étaient inférieurs à 2 %. Aujourd’hui, un resserrement quantitatif est en cours, le taux à un jour est de 4,75 % et les taux à 10 ans se situent à 4,3 %. En 2016, les valorisations plus faibles combinées à la politique conciliante auguraient très bien pour les rendements futurs. Aujourd’hui, les valorisations élevées et la politique restrictive sont une combinaison moins attrayante. Les marchés pourraient progresser, mais ce sera plus difficile.
Ratio C/B du S&P 500 | Prévisions de croissance du BPA | Taux des fonds fédéraux | Taux à 10 ans | |
2016 | 17,0 | 1,40 % | 0,50 % | 1,80 % |
2024 | 22,0 | 12,70 % | 4,75 % | 4,30 % |
Source : Bloomberg
Volatilité – Dire que les marchés seront volatils n’est d’aucune utilité : ils l’ont toujours été et le seront toujours. Cependant, si on pousse l’analyse un peu plus loin, on voit que la volatilité du marché est souvent causée par l’incertitude et les surprises. La bonne nouvelle, c’est que l’incertitude diminue. Les sondages prédisaient une élection serrée. La plupart des observateurs s’attendaient à ce que les résultats prennent des jours ou des semaines avant d’être annoncés, et un grand nombre d’entre eux pensaient que l’élection serait contestée. Toute cette incertitude s’est dissipée mardi soir. Lorsque le marché y voit plus clair, il réagit le plus souvent favorablement, que les nouvelles soient positives ou négatives.
C’est après que le marché aura célébré les résultats de l’élection que les choses risquent de se compliquer. Impossible de savoir quand, mais il y a encore beaucoup de points d’interrogation pour les marchés, et si on se fie au premier mandat du président Trump, il pourrait y avoir des surprises. Les conflits géopolitiques demeurent nombreux et les changements dans la réponse des États-Unis ajoutent à l’incertitude. Le moment, la taille et les cibles des tarifs restent pour l’instant inconnus, mais cela risque de changer rapidement, tout comme la politique fiscale. Le plafond de la dette pourrait à nouveau créer de l’incertitude en 2025.
Par conséquent, l’incertitude diminue initialement, mais augmente ensuite. Et le contrôle des trois ordres du gouvernement ajoute également à l’incertitude. En fait, les marchés préfèrent un gouvernement divisé, car cela limite les changements de politiques, ce qui réduit les surprises et augmente la prévisibilité. Compte tenu de la victoire décisive, préparez-vous à beaucoup de nouvelles politiques et de gazouillis.
Conclusion
Les marchés se réjouissent des résultats de l’élection, qui ont permis d’éliminer une bonne part d’incertitude. Cependant, elle pourrait augmenter au fil des mois, et alors il y aura d’autres « surprises ». Même si les politiques sont importantes, c’est avant tout l’économie qui dicte la tendance à long terme. Les changements de politiques ou les « rumeurs » influenceront probablement la tendance, ce qui pourrait créer des occasions, mais la composante de base du portefeuille devrait miser sur les fondements de la valeur : l’économie et les bénéfices. La bonne nouvelle pour l’instant est que l’inflation s’améliore et que l’économie se porte bien. Cependant, à 22 fois les bénéfices prévisionnels, une bonne part des bonnes nouvelles ont déjà été escomptées et les futurs gains seront plus difficiles à obtenir.